La COVID-19 a touché tous les secteurs de notre économie, et l’industrie de la construction ne fait pas exception. En avril, la plupart des chantiers de construction au Québec et en Ontario étaient fermés, et tous les sites qui sont restés ouverts ont subi des retards en raison de pénuries de matériaux ou de main-d’œuvre et de difficultés liées aux exigences de distanciation physique.

Lorsque la poussière finira par retomber, les maîtres d’ouvrage seront confrontés à des réclamations pour retard qui devront être rapidement réglées. Voici trois mesures que les maîtres d’ouvrage peuvent prendre immédiatement pour se préparer à ces inévitables réclamations et s’assurer de meilleurs résultats.

1. Tenir des registres détaillés

La tenue de registres précis et détaillés vous fournira les informations nécessaires pour traiter efficacement les réclamations en milieu de construction. Enregistrez l’activité quotidienne sur le site, y compris le nombre de travailleurs sur le chantier, l’état des zones de travail et les progrès réalisés, ainsi que toute instruction importante donnée à l’entrepreneur. Prenez des photos chaque semaine. Notez les dates auxquelles vous recevez les avis et les réclamations, ainsi que l’état d’avancement de votre projet à ces moments-là. Au nombre des autres documents clés dont vous aurez peut-être besoin, signalons les calendriers de base et d’avancement détaillés bihebdomadaires, les procès-verbaux des réunions de chantier ou de projet, les rapports d’avancement mensuels accompagnés de photos et de vidéos, les mesures de santé et de sécurité existantes et toute mesure prise pour atténuer les problèmes cernés dans les avis de retard.

C’est une chose d’enregistrer ces informations, et une autre de les organiser correctement. Le dialogue et la validation des réclamations seront beaucoup plus faciles si la taxonomie de fichier est appropriée, facile à suivre et peut-être même pareille à la façon dont l’entrepreneur organise ses propres dossiers. Vous devrez peut-être affecter une ressource à la seule tâche de classer correctement ces informations pour faciliter leur récupération.

Si vos dossiers ne sont pas encore à jour, il n’est jamais trop tard pour s’y mettre. Le moment est venu de mettre de l’ordre dans vos dossiers. Pour ce faire, vous devrez peut-être retourner interroger les parties prenantes, rassembler des documents ou même reconstituer des dossiers détaillant l’état de votre projet avant le début de la pandémie. Toutefois, en affectant des ressources à cette tâche dès maintenant, vous économiserez des efforts considérables plus tard, lorsqu’il sera temps de répondre à une demande que vous aurez reçue. De plus, si votre organisation fait appel à un fournisseur tiers comme Driver Trett pour la gestion des sinistres, le processus sera beaucoup plus efficace si vos documents ont été rassemblés à l’avance.

2. Entretenir un dialogue continu

Les politiciens à tous les paliers de gouvernement soulignent que si nous devons nous isoler et prendre de la distance, cela ne signifie pas que nous devons cesser de communiquer. Cela est particulièrement vrai pour les projets de construction. Les réclamations peuvent entraîner un comportement de repli, et la communication passe alors par des notifications juridiques, ce qui contribue à des négociations contentieuses. C’est pourquoi vous gagnerez à communiquer régulièrement avec votre entrepreneur et à faire preuve d’empathie relativement aux conséquences de cette pandémie sur le chantier. Vous favoriserez ainsi les négociations en aval.

Un dialogue permanent vous aidera également à comprendre l’incidence de la COVID-19 sur votre entrepreneur et à mieux prévoir les sinistres. Parallèlement, le dialogue favorise la collaboration pour atténuer les sinistres, ce qui pourrait réduire considérablement l’impact des éventuels sinistres. Par exemple, les nouveaux protocoles de la COVID-19 peuvent exiger de l’entrepreneur qu’il ajoute des toilettes portables et des stations de lavage des mains sur le chantier de construction. Il serait possible de s’entendre avec un commerce adjacent qui a fermé ses portes pour utiliser ses toilettes et offrir aux travailleurs des conditions sanitaires plus satisfaisantes tout en réduisant l’impact sur les coûts. À tout le moins, en manifestant votre volonté de communiquer avec les entrepreneurs, vous assurerez un meilleur arrimage des intérêts respectifs et vous pourriez aboutir à des solutions mutuellement plus acceptables.

3. Prenez connaissance des modalités de votre contrat

Avant d’agir, il est important de savoir ce que dit votre contrat. La manière dont vous communiquez en cas de retard est prévue dans le contrat. Au Canada, nous avons la chance d’avoir des contrats largement acceptés par l’industrie, tels que les contrats du Comité canadien des documents de construction (CCDC), mais cela ne signifie pas que tous les termes sont les mêmes. De nombreux contrats comportent des conditions supplémentaires qui modifient les conditions contractuelles standard. Trop souvent, nous voyons des cas où les parties pensent connaître les tenants et aboutissants de leur contrat, pour être ensuite surprises lorsqu’elles en lisent les sections pertinentes. C’est un phénomène courant, car la plupart d’entre nous qui travaillons dans le secteur voient de nombreux contrats. Naturellement, il est difficile de se rappeler quelles clauses ont été modifiées dans le cadre de quels projets, c’est donc le bon moment pour revoir vos contrats en détail. Lorsque vous serez aux prises avec un retard, il sera sans doute utile de connaître le délai et le format prescrits pour les avis. Si vous constatez qu’un entrepreneur n’a pas soumis un avis approprié dans les délais et le format prescrits, cela peut atténuer certaines conséquences. Cela ne veut pas dire que la réclamation sera annulée, mais le fait de bien connaître les conditions du contrat vous préparera mieux à réagir.

Ces dernières semaines, par exemple, j’ai entendu un certain nombre de personnes mentionner la force majeure dans les discussions sur les retards de construction. Si la force majeure est un terme bien connu, elle ne figure pas automatiquement dans tous les contrats. Avant de supposer qu’une clause de force majeure vous protégera, assurez-vous qu’elle existe effectivement dans votre contrat et qu’elle est applicable dans le contexte actuel.

De même, vous devriez passer en revue le libellé des contrats du CCDC concernant les retards qui ne sont pas causés par un maître d’ouvrage ou un entrepreneur. Le contrat CG 6.5.2 prévoit le remboursement par le maître d’ouvrage des coûts raisonnables, tandis que le CG 6.5.3 ne prévoit que le temps supplémentaire qu’il faut pour exécuter des travaux, mais aucune indemnité supplémentaire pour l’entrepreneur. La question de savoir quelle clause s’applique dans notre situation actuelle de COVID-19 fera probablement l’objet d’un débat considérable au cours des prochains mois. Bien qu’il soit important que vous connaissiez bien les modalités de votre contrat, le meilleur conseil reste de consulter un avocat pour obtenir des conseils spécifiques à votre projet, à votre contrat et à l’impact des réclamations potentielles.

Pour l’instant, les maîtres d’ouvrage doivent se préparer à la gestion des réclamations en conservant des dossiers détaillés, en maintenant un dialogue ouvert avec les parties prenantes et en révisant leurs contrats de manière approfondie. L’application de ces trois étapes est plus importante que jamais pour mener à bien les projets dans ces circonstances inhabituelles.