La difficulté d’un mégaprojet de transport en commun n’est pas tant la construction que la coordination. Lorsque la prise de décision n’est pas claire, les coûts augmentent tranquillement. Pour qu’un programme de 10 milliards de dollars maintienne le cap, la bonne stratégie consiste à coordonner les droits de décision, la responsabilité et les garanties.
Le Canada construit certains des projets de transport en commun les plus coûteux au monde. Qu’il s’agisse de conception, de construction ou de livraison, le talent est là. Cependant, nos stratégies décisionnelles peuvent ralentir les progrès et lentement gonfler les coûts.
Si vous vous êtes déjà demandé pourquoi des mégaprojets vont à la dérive, la réponse est la suivante : c’est rarement à cause du béton ou de l’acier, mais plutôt des problèmes de gouvernance. Dans ce second volet de notre série intitulée Projets de transport en commun et transparence des coûts, nous poursuivons sur notre lancée et vous montrons comment transformer les résultats d’études nationales en principes que tous les organismes canadiens de transport en commun pourront appliquer, et ce, sans modifier la législation.
Lorsque la gouvernance fonctionne, les projets et les programmes de transport en commun vont bon train.
Ne manquez pas le premier article de cette série :
Projets de transport en commun et transparence des coûts : un problème qui coûte cher au Canada
L’importance de la gouvernance dans les mégaprojets de transport en commun
La survie des grands programmes de transport en commun, en particulier ceux de plus de 10 milliards de dollars, dépend des décisions qui sont prises. Une bonne gouvernance aide les responsables des programmes à prendre rapidement les bonnes décisions, au lieu de laisser les risques s’accumuler tranquillement. L’objectif d’une bonne gouvernance n’est pas d’alourdir la bureaucratie, mais plutôt de cerner sans équivoque qui décide quoi, quand et sur quelle base factuelle afin de garantir le bon déroulement des programmes.
Examinez ces quatre axes directeurs, essentiels à une bonne prise de décision :
- L’alignement stratégique : veiller à ce qu’un programme d’investissement favorise la mobilité régionale, la durabilité et les objectifs économiques à long terme.
- La gestion des risques : cerner, atténuer et surmonter les risques aux échelons décisionnels appropriés.
- La transparence et la responsabilité : indiquer explicitement comment sont répartis les responsabilités et les pouvoirs décisionnels.
- La mobilisation : gérer les relations entre les municipalités, les services publics, les organismes de réglementation et les collectivités.
Ces quatre volets représentent les fondements d’un cadre de gouvernance reliant la stratégie à la mise en œuvre des programmes. Le défi consiste à trouver un moyen de structurer ces principes afin qu’ils fonctionnent dans la pratique. C’est là qu’intervient le modèle de gouvernance à trois niveaux.
Un modèle à trois niveaux
Pour établir une structure de gouvernance solide, il ne s’agit pas d’ajouter des niveaux, mais de faire en sorte que la structure soit claire. Comment appliquer de bons principes décisionnels dans le contexte d’un programme de transport en commun de 10 milliards de dollars? La réponse réside dans la conception du cadre de gouvernance. Il doit reposer sur trois niveaux coordonnés permettant de relier la stratégie à la mise en œuvre.
1. Un niveau stratégique
- Les organismes gouvernementaux ou de financement qui fournissent des orientations politiques, approuvent les budgets et définissent le mandat stratégique.
- Les conseils d’administration des organismes de transport responsables de la mise en œuvre globale, du suivi du rendement et de la communication d’information au public.
- Les comités directeurs du programme, composés de cadres supérieurs des organismes de financement et d’exécution, qui approuvent les décisions importantes relatives aux analyses de rentabilité, aux ajustements budgétaires et aux risques stratégiques.
2. Un niveau de gestion du programme
- Les directeurs ou cadres du programme, seuls responsables des résultats.
- Le bureau de gestion du programme, qui veille à la portée, au calendrier, aux coûts, aux risques et à la production de rapports pour assurer la cohésion.
3. Un niveau d’exécution des projets
- Les directeurs et gestionnaires de projet qui exécutent les principaux éléments : travaux de génie civil, gares, systèmes et matériel roulant.
- Les équipes d’ingénieurs et de techniciens qui gèrent la conception, l’intégration, la conformité et l’assurance qualité.
- Les équipes commerciales et d’approvisionnement qui supervisent la stratégie contractuelle, les partenariats et la gestion du rendement.
Pour que cette structure fonctionne, chaque groupe doit clairement comprendre son rôle et ses liens avec les autres. L’information et la prise de décision circulent dans les deux sens : l’orientation stratégique dépend des priorités gouvernementales, tandis que les informations opérationnelles remontent du terrain.
Lorsque ces trois niveaux forment une boucle de rétroaction continue comprenant l’orientation, l’exécution et les garanties, les programmes restent réactifs, éclairés et équilibrés.
Contrôles et équilibre du pouvoir pour prévenir toute dérive
Même le cadre le mieux conçu peut dériver sans contrôles indépendants et une surveillance transparente. Pour y parvenir, les responsables doivent s’appuyer sur :
- Des comités de surveillance indépendants qui rendent des comptes aux conseils stratégiques.
- Des conseillers techniques et financiers offrant des garanties sur les risques, les coûts et les calendriers.
- Des examens par étapes à des moments clés, notamment l’approbation des analyses de rentabilité, l’approvisionnement, l’attribution des contrats et la mise en service.
- Des vérifications externes et examens réglementaires pour maintenir la transparence.
Ces mécanismes ne ralentissent pas les programmes, ils les protègent.
Des rapports qui incitent à l’action (et non des PDF que personne ne lit!)
La transparence ne s’arrête pas à la supervision. Elle dépend aussi de la manière dont les équipes partagent l’information. Les rapports ne servent pas uniquement à documenter, mais à communiquer, s’adapter et assumer les responsabilités.
Une responsabilité claire repose sur :
- Des cadres d’analyse RACI (Responsable, Agent comptable, Consulté et Informé).
- Des rapports réguliers présentés au gouvernement, aux conseils d’administration et aux parties intéressées.
- Des protocoles d’atténuation des risques définis, accompagnés de seuils financiers pour guider la prise de décision.
Le pouvoir de la mobilisation
L’alignement interne renforce l’efficacité, tandis que la mobilisation externe renforce la légitimité. Les propriétaires peuvent intégrer les activités de mobilisation à leurs cadres de gouvernance :
- Des forums de coordination municipale et des services publics.
- Des comités consultatifs communautaires favorisant la transparence.
- La surveillance environnementale et réglementaire pour la durabilité.
- La planification des opérations et des examens d’accès pour détecter les conflits.
- La garantie de la sécurité du système afin d’assurer l’intégration des exigences techniques.
La structure de contrôle à plusieurs niveaux n’est pas de la bureaucratie, c’est une façon de mettre en place et de protéger des infrastructures transformatrices.
La gouvernance d’un programme de transport en commun de 10 milliards de dollars ne dépend pas de formalités, mais de la discipline, de la transparence et de la rapidité des décisions.
Les cinq volets incontournables
Tout mégaprojet repose sur des principes fondamentaux :
- Cartographie et définition du régime de gouvernance : examiner les conditions existantes, puis établir un cadre décrivant les droits de décision, rapports et contrôles.
- Intégration d’une garantie indépendante : veiller à ce que les équipes travaillent selon le régime de gouvernance.
- Coordination du transfert et de la mise en service : gérer les transitions entre équipes pour respecter le calendrier.
- Surveillance et gestion des ressources : suivre la demande et la disponibilité des ressources.
- Engagement envers le perfectionnement continu : élaborer une stratégie durable et reproductible pour affiner les pratiques.
La leçon est simple, mais souvent négligée : la gouvernance crée une dynamique. Lorsque la prise de décision est structurée, transparente et soutenue par une responsabilité claire, même les programmes les plus complexes avancent plus rapidement et efficacement.
Cet article fait partie de notre série Projets de transport en commun et transparence des coûts, qui explore comment les organismes canadiens peuvent combler le fossé entre ambition et accessibilité financière dans la mise en œuvre de grands projets. Surveillez la parution du prochain article, qui portera sur les stratégies efficaces d’approvisionnement et de gestion de la chaîne d’approvisionnement, et la manière dont elles peuvent transformer les difficultés en atouts. Communiquez avec l’un de nos experts en transport en commun et restez à l’affût du prochain article de la série.





